Un aperçu du dogme et de l’histoire des Zaydites

11/12/2012| IslamWeb

Parmi les propos les plus connus concernant les Zaydites, on trouve celui qui dit que ces derniers constituent la secte chiite la plus proche des Gens de la Sunna, cette assertion est très juste si on prend le terme « Gens de la Sunna » dans son acception la plus générale, c’est-à-dire que cela renvoie à tous ceux qui reconnaissent la légitimité des quatre Califes Bien-guidés : Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân et ‘Alî (Radhia Allahou Anhoum).
La plupart des Zaydites acceptent leur Califat selon cet ordre, seulement ils considèrent que même si Abû Bakr et ‘Umar étaient des imams justes, ‘Alî, selon leurs croyances, était plus à même de devenir Calife qu’eux au moment où ils furent désignés ; malgré tout, les Zaydites ne réfutent aucunement leur autorité. En fait, selon leurs préceptes al-Mafdûl (celui qui réunit les conditions de l’Imamat) peut prendre le pouvoir même si la personne la plus méritante (al-Fâdil) est présente.
Cette dernière position est celle des deux Califes Abû Bakr et ‘Umar (Radhia Allahou Anhouma), cette dernière position fut d’ailleurs un point de rupture entre les Zaydites et les Râfida (secte chiite). A ce propos l’Imam al-Dhahabî rappelle dans son Siyar a’lâm al-nubalâ` que ‘Îsâ ibn Yûnus a dit : « Les Râfida sont venus voir Zayd, puis ils lui dirent : « Désavoue Abû Bakr et ‘Umar et nous te soutiendrons », celui-ci leur répondit : « Je leur reste fidèle », ils lui répondirent : « Alors nous te rejetons (narfuduka) » ; et c’est de là qu’ils furent appelés les Râfida (Ceux qui rejettent). Quant aux Zaydites, ils suivirent l’avis de Zayd, combattirent à ses côtés et se revendiquèrent de lui ».
 

La biographie de Zayd ibn ‘Alî :
Son nom complet est Zayd ibn ‘Alî ibn al-Husayn ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib (Radhia Allahou Anhou) Abû al-Husayn al-Hâchimî al-‘Alawî al-Madanî, il est le frère de Abû Dja’far al-Bâqir. Zayd est né en 75 de l’Hégire, il apprit la science auprès de son grand frère al-Bâqir ainsi qu’auprès de Wâsil ibn ‘Atâ`al-Ghazzâl qui est le cheikh et la tête des Mutazilites (une secte musulmane), Zayd apprit donc auprès d’eux le mutazilisme, ses compagnons le suivirent donc dans cette voie et devinrent tous des Mutazilites. Toutefois, Zayd et son frère al-Bâqir polémiquèrent sur certains points, ce qui amena ce dernier à désapprouver Zayd sur le fait qu’il ait été le disciple de Wâsil ibn ‘Atâ`al-Mu’tazilî. En effet, al-Bâqir pensait que ce dernier avait prononcé des paroles qui n’étaient pas en accord du tout avec sa propre doctrine, parmi ces paroles il y a le fait que Wâsil ait déclaré qu’il est permis de dire que ‘Alî (Radhia Allahou Anhou) a commis une faute en combattant les gens du Chameau ; sur le Destin, il dit que l’homme est l’auteur de ses actes ; parmi les conditions de l’Imam, il y a le fait que ce dernier doit se révolter contre les tyrans, celui qui n’agit pas de la sorte ne peut être considéré comme l’Imam, et à ce propos, un jour al-Bâqir dit à Zayd que : « Selon les préceptes de ta doctrine, ton père (‘Alî Zayn al-‘Âbidîn) ne fut pas Imam, car il ne s’est jamais révolté contre quiconque de même que personne ne s’est révolté contre lui ».
Al-Dhahabî a dit au sujet de Zayd : « Il avait beaucoup de science et agissait avec grandeur et probité […] Un fois il rendit visite au dirigeant de l’Iraq, Yûsuf ibn ‘Umar, auquel il offrit de beau présent, malgré cela Zayd fut refoulé ; suite à cet épisode des gens de Kûfa vinrent voir Zayd et ils lui dirent : « Nous te faisons allégeance, retournons ensemble combattre ce vaurien de Yûsuf ». Zayd les écouta attentivement et décida donc de former une armée, il partit donc avec cette dernière pour affronter celle de Yûsuf. Zayd fut tué lors de cette bataille, son cadavre fut exhumé, décapité et mis en croix à Kûfa durant quatre années ». Sa mort survint au temps du Omeyyade Hichâm ibn ‘Abd al-Malik.
 

Divers livres sont attribués à Zayd, les plus connus d’entre eux sont un recueil de hadiths et un autre recueil de jurisprudence, ces deux derniers ouvrages furent rassemblés en un seul grand recueil. Ces ouvrages ont été transmis par un des élèves de Zayd, Abû Khâlid ‘Amrû ibn Khâlid al-Wâsitî al-Hâchimî.
 

Les successeurs de Zayd et les savants du Zaydisme :
C’est le fils de Zayd, Yahya, né en 97 de l’Hégire, qui lui succéda, il poursuivit le combat contre les Omeyyades que son père avait initié, il vécut dans le Khorasan, il rassembla autour de lui une grande communauté avec la quelle il combattit les Omeyyades jusqu’à ce que l’émir de ces derniers le tua, cela se passa en l’an 126 de l’Hégire durant le Califat de Walîd ibn Yazîd ibn ‘Abd al-Malik al-Umawî.
Ce sont Muhammad et Ibrâhîm, tous deux fils de ‘Abdallah ibn al-Hasan ibn ‘Alî, qui succédèrent à Yahya ; Muhammad, connu sous le nom de l’« âme pure », attaqua la ville de Médine, il y fut tué par Îsâ ibn Mâhân. Quant à Ibrâhîm, il attaqua la ville de Bassora, il y fut tué à son tour selon l’ordre d’al-Mansûr.
Après cela les Zaydites apparurent dans le Khorasan avec à leur tête Nâsir al-Atrûch (230-304 de l’Hégire), il fut recherché par l’Etat de cette contrée, il dut donc se cacher et s’isoler, il trouva refuge dans les montagnes de la région des Daylamites, il trouva que ces derniers vivaient dans la mécréance, l’Islam ne leur était pas encore parvenu ; ainsi, Nâsir les appela à l’Islam mais selon la doctrine de Zayd ibn ‘Alî, ils embrassèrent donc cette voie et élevèrent leurs enfants dans cette foi. Le Zaydisme fut pratiqué ouvertement dans cette région.
Un état Zaydite fut instauré au Yémen par al-Hâdi ilâl-Haqq Yahya ibn al-Husayn ibn al-Qâsim (245-298 de l’Hégire) ; ce dernier fut de ceux qui combattirent les Qarmates dans ce pays, il eut des disciples qui furent appelés les Hâdawiyya et qui essaimèrent au Yémen et dans le Hedjaz.
 

La position des Zaydites sur l’Imâma :
Les Zaydites sont convaincus que l’Imam doit obligatoirement être juste, pieux et capable d’idjtihâd en matière religieuse ; en outre, il doit être l’égal de ses sujets, il doit travailler pour défendre leurs intérêts et s’occuper de leurs problèmes. De plus, les Zaydites pensent qu’un injuste ou un tyran ne peut devenir Imam, selon eux il faut même se révolter contre ce type de dirigeant afin de lui reprendre le pouvoir, ils appuient cette règle sur le fait que Zayd ibn ‘Alî combattit le tyran Yûsuf ibn ‘Umar. Les Zaydites pensent également que les Gens de la maison du Prophète sont plus dignes de diriger le Califat que quiconque, ce Califat commença avec ‘Alî, puis passa à al-Hasan, puis après lui à al-Husayn, ainsi, selon eux, peut être Calife seulement les descendants d’al-Hasan et d’al-Husayn, lesquels descendants doivent en plus réunirent en eux des qualités essentielles comme le courage, une grande science, la capacité de faire l’idjtihâd ; par ailleurs, il est obligatoire de faire allégeance à ceux qui parmi eux ont obtenu l’Imâma par le sabre, on leur doit en sus une totale obéissance.
 

Les croyances des Zaydites :
Les croyances des Zaydites ne sont pas très éloignées de celles des Mutazilites ; par exemple, à l’instar de ces derniers les Zaydites pensent que le Coran a été créé, ils nient le fait qu’Allah est au-dessus de Sa création et qu’Il siège sur Son Trône, ils ont interprété à leur manière les attributs informatifs comme l’apparition, la descente ou les yeux, ils nient qu’Allah crée les actes de ses serviteurs et affirment que ce sont ces derniers qui créent eux-mêmes leurs actes, bons ou mauvais, ils ont rendu obligatoire le fait de suivre les Gens de la maison prophétique (Âlu al-bayt) ou bien ils prétendent que celui qui ne suit pas la voie du Zaydisme pratique une religion méprisable et son Islam s’en trouve gâté. Par ailleurs, les Zaydites sortent de l’Islam les gens qui commettent les grands péchés (al-kabâ`ir) et considèrent qu’ils resteront éternellement en Enfer, ils disent que celui qui fait un grand péché dans la vie d’ici-bas occupe une place intermédiaire entre deux places (manzila bayna al-manzilatayn), on ne peut donc pas dire que celui-ci est un croyant comme on ne peut pas que c’est un mécréant, mais selon les Zaydites c’est un pervers désobéissant ; les Zaydites nient en outre qu’il y aura intercession pour les personnes ayant commis des grands péchés, de plus ils rejettent le fait que les croyants verront leur Seigneur le Jour du Jugement.
En sus de ces croyances erronées, les Zaydites ne croient pas au retour de Îsâ () sur terre (al-Radj’a) ni en la venue du Mahdî ; les Zyadites du commun ne pensent pas que les Imams issus des Gens de la maison prophétique sont infaillibles, ils nient de surcroît la Parole divine selon laquelle des choses qui étaient cachées Lui apparaissent fayughayyir qadarahu, c’est ce qu’on appelle la théorie d’al-Badâ’ élaborée par al-Mukhtâr al-Thaqâfî ; ainsi, les Zaydites ont décidé de croire que la science d’Allah est ancienne et inchangée, tout a déjà été écrit sur une Tablette préservée (al-Lûh al-mahfûzh). Pour ce qui s’agit des furû’, les Zaydites suivent l’école juridique de Abû Hanîfa sauf pour quelques furû’ sur lesquels sont tombés d’accord les Chaféites et les Chiites dja’farites. Enfin, les Zaydites ont autorisé le fait que règnent deux Imams en deux endroits différents du moment que chacun d’entre eux possède les attributs nécessaires, l’obéissance aux deux Imams est obligatoire.
 

Les différentes sectes zaydites :
Les Zaydites, comme les autres sectes musulmanes, se sont divisés en divers groupes, parmi ces derniers on trouve :
1- La Djârûdiyya : cette secte rassemble les adeptes de Abû al-Djârûd Ziyâd ibn Abî Ziyâd. Ces derniers prétendent que le Prophète () a désigné ‘Alî comme successeur (Radhia Allahou Anhou) en le décrivant et sans le nommer, il est donc le vrai seul Imam après lui ; toutefois, les gens ont fauté, car ils n’ont pas reconnu la description
2- La Sulmâniyya : il s’agit d’une secte fondée par Sulaymân ibn Djarîr, ce dernier disait que l’Imamat est le résultat d’une Chûrâ entre les gens, il est autorisé que l’Imam soit désigné par deux hommes parmi les meilleurs des musulmans, on peut désigner la personne qui réunit les conditions de l’Imamat (al-Mafdûl), quand bien même la personne la plus digne d’être Imam est présente. Sulaymân a donc reconnu que l’Imamat de Abû Bakr et celui de ‘Umar (Radhia Allahou Anhouma) étaient légalement valables, car leur désignation fut le résultat des efforts de la communauté. Mais il dit que la communauté a fait une erreur en faisant allégeance à Abû Bakr et ‘Umar alors que ‘Alî était présent, sans que toutefois cette erreur atteigne le degré de la perversion, car elle est fut commise après que les efforts de réflexion aient été consentis. Néanmoins, Sulaymân ibn Djarîr calomnia ‘Uthmân (Radgia Allahou Anhou).
3- La Sâlihiyya et la Batariyya : la première secte rassemble les adeptes d’al-Hasan ibn Sâlih ibn Hayy et la seconde rassemble les adeptes de Kathîr al-Nawâ al-Abtar. Ces deux personnages suivent à peu près la même doctrine. Leurs propos sur l’Imamat sont les mêmes que ceux de Sulaymân ibn Djarîr à la différence près qu’ils n’ont pas comme ce dernier calomnié ‘Uthmân (Radhia Allahou Anhou). Selon eux ‘Alî est le meilleur des hommes après le Prophète (), ‘Alî était le plus digne d’être Imam, mais il a laissé l’Imamat aux premiers Califes et en a été satisfait, il leur a confié cette responsabilité par obéissance et il a abandonné son droit de son plein gré. Ainsi, les adeptes de la Sâlihiyya et de la Batariyya acceptent ce que ‘Alî a accepté, ils ont par ailleurs rendu licite l’Imamat d’al-Mafdûl avec un report de la prise de pouvoir de celui qui en est le plus digne (al-Afdal), si bien sûr ce dernier donne son accord. Enfin, selon eux, celui qui parmi les descendants d’al-Hasan et d’al-Husayn (Radhia Allhou Anhouma) a sorti son sabre et qui est un savant, un ascète et un brave alors il est indiscutable que c’est lui qui doit être l’Imam.

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